Le rôle essentiel du maréchal ferrant par Bart Lambert

Interview de Bart, maréchal-ferrant en Belgique

Contexte de prise en charge

Ekico : Bonjour Bart, merci encore pour cet entretien sur un sujet particulièrement sensible. Vous êtes maréchal-ferrant et vous exercez depuis maintenant une dizaine d’années. Lors de nos échanges pour la rédaction de cet article vous avez donné pour titre à ce document : “Le rôle essentiel d’un maréchal”. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?

Bart : J’ai voulu partager une partie de mon histoire avec mes collègues pour dire à quel point notre métier est important. Comme le dit l’adage “Pas de pieds, pas de cheval”.

Et cette expression, c’est une pure vérité.

Je m’en aperçois au travers de mon expérience et des cas les plus difficiles que j’ai eu à gérer.

Ekico : Justement, pour ce témoignage que vous m’avez accordé, il s’agit d’un cas très grave. Un cas qui malheureusement, ne pourra être sauvé. Que s’est-il passé ?

Bart : Oui j’aimerais parler de cette jument, de son histoire et de ce que j’ai vécu pour l’accompagner.

Elle s’appelle Biola, elle est de race espagnole.

En 2018 elle a déclaré une fourbure, c’était déjà quelque chose de franchement grave, mais son maréchal de l’époque avait bien travaillé. Il était parvenu à la stabiliser.

Jusque-là les choses allaient bien. Et puis le maréchal en question a eu une crise cardiaque à laquelle il a survécu.

Mais il n’a par la suite pas pu reprendre son activité de maréchal-ferrant.

Le propriétaire de Biola a donc du rapidement trouver un autre confrère pour continuer à accompagner sa jument.

C’est à partir de ce bouleversement soudain, que les choses se sont beaucoup compliquées.

Le début des problèmes

Bart : La nouvelle gestion des pieds de Biola ne fonctionnait pas. Elle n’était plus stabilisée. La difficulté, c’est qu’au début les problèmes ne se voyaient pas directement à l’œil. En 4 semaines la jument s’était beaucoup dégradée, le mal était déjà fait et même les tendons ont commencé à souffrir.

Pour palier à cela, la jument a été referrée. Elle était également suivi par un vétérinaire. Il n’y a eu aucune amélioration.

Je pense qu’il y a eu des problèmes de communication entre les professionnels en charge de Biola. Le maréchal du moment était en désaccord avec les recommandations du vétérinaire. 

Ce dernier suggérait de diminuer la longueur de pince et la hauteur des talons de la jument, mais le maréchal n’a pas suivi les conseils.

Biola est donc restée avec une mauvaise conformation des sabots. Sa locomotion s’est dégradée de manière importante, ses aplombs se sont verticalisés et la jument a commencé à souffrir d’une rétractation des tendons.

Voici les derniers clichés radiographiques de Biola après la dernière ferrure appliquée par le maréchal de l’époque. C’est dans cet état et à partir de cet instant que j’ai commencé à prendre en charge la jument.

Le tout pour le tout

Bart : Nous sommes maintenant début Avril 2020. La jument a beaucoup changé. Les recommandations du vétérinaire étaient de prendre en pince, chose que j’ai faite.

Sur les radiographies sans les lignes rouges on peut constater le début du parage que j’ai effectué.

Les lignes rouges placées sur les radios, sont des indications pour signifier que la pince était à ce moment encore trop longue.

En association avec le vétérinaire, nous avons donc travaillé le pied pour raccourcir en pince.

Afin de rapprocher la paroi du sabot, de la parallèle de l’alignement des phalanges.

Nous avons procédé à des interventions très régulières sur la jument toujours en association avec le vétérinaire. Nous avons pu constater des améliorations, mais Biola se dégradera à nouveau deux mois plus tard.

Les talons de la jument grandissaient énormément. Je prenais 6 à 8 cm de talon à chacune de mes interventions !

Je sentais la jument de plus en plus douloureuse, j’ai donc essayé de changer de stratégie pour l’accompagner autrement.

Pour la soulager j’ai appliqué un fer ouvert en pince et plaque de cuir pour laisser tomber la pression.

Dans un second temps j’ai appliqué une ferrure classique avec plaque en cuir en veillant à ce que la pince ne rentre pas en contact avec le fer, toujours dans un souci de soulagement pour la jument.

Le client était content de cette intervention et de la retrouver gagner en confort.
De mon côté, avec le vétérinaire nous n’étions pas satisfaits de la locomotion de Biola.

Pour améliorer encore les choses j’ai eu recours au FormaHoof. Dans la capsule que j’ai réalisé (capsule en résine entourant la boîte cornée) nous avons intégré du Métronidazole.

Le Métronidazole est un médicament que nous avons directement intégré dans les capsules de résine FormaHoof.

Les importants basculements de P3 avaient percé les soles. Le traitement indiqué ci-dessus participait à refermer les plaies des sabots et à combattre l’inflammation.

Avec cette stratégie nous avons pu récupérer le pied gauche, qui est redevenu beaucoup plus convenable.

En revanche le pied droit n’était pas bon du tout. J’ai décidé de laisser le talon de la capsule FormaHoof pour compenser le parage. Cela améliorait les choses. Mais restait toujours insuffisant pour sortir la jument d’affaire.

Nous avons poursuivi ainsi durant les deux mois et demi suivants. FormaHoof, Métronidazole. Des clichés ont été repris à ce moment-là. Les lignes rouges indiquent la boîte cornée dans les capsules de résines FormaHoof.

Le FormaHoof permettait à la jument de gagner en confort. Je réalisais mon parage à partir des clichés radios.

La jument récupérait en épaisseur de sole et l’inflammation se réduisait.

C’est à ce moment-là que les propriétaires, le vétérinaire et moi-même avons dû faire le bilan de l’évolution de Biola sur les deux années écoulées.

De mesurer le pour et le contre. L’équilibre entre souffrance et amélioration. Quelles perspectives d’évolutions nous pouvions espérer et aussi le niveau de prise en charge à prévoir pour la stabiliser.

La décision prise par les propriétaires a été de laisser partir la petite jument. La locomotion ne reviendrait plus à la normale, même pour sa vie au pré.

Ekico : Durant nos échanges, vous m’avez partagé que vous aviez personnellement pris à votre charge les interventions et technologies utilisées pour soulager Biola, je fais notamment référence au recours du FormaHoof. Qu’avez-vous appris et retenu sur la gestion d’un cas aussi compliqué ?

Bart : J’ai pu apprendre que ce qui était perdu était perdu, et qu’il était plus facile de prévenir un problème que de le corriger une fois qu’il était présent. Certaines dégradations sont irréversibles.

On voit à quel point notre boulot est important. La santé du cheval dépend aussi de ses pieds.

Les chevaux doivent pouvoir se déplacer correctement pour rester en bonne santé. Leur prendre la possibilité de se déplacer confortablement n’est ni digne, ni honnête.

C’est cette expérience très intense que je souhaitais partager. Celle de la jolie petite Biola qui s’est battue contre sa maladie.

Je voulais également attirer l’attention sur l’importance des travaux et décisions prises dans la gestion des sabots. Les conséquences peuvent définitivement abîmer les chevaux, voire les condamner.

J’ai pu apprendre que ce qui était perdu était perdu, et qu’il était plus facile de prévenir un problème que de le corriger une fois qu’il était présent. Certaines dégradations sont irréversibles.

Suivi et analyse des pieds

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Interview de Bart, maréchal-ferrant en Belgique depuis une dizaine d’années.

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