La gestion de la fourbure grave par Halbout Maréchalerie

François Halbout, maréchal-ferrant situé en Normandie (27) s’est spécialisé dans la gestion des pathologies orthopédiques graves telles que : la fourbure, le syndrome naviculaire, le pied bot, l’hyperlaxité chez le poulain…

Il nous accorde de son temps pour nous partager son expérience de la fourbure.

Tour d’horizon d’une pathologie complexe et encore mal connue.

La fourbure en bref

La fourbure est une maladie généralisée grave, qui atteint tout l’organisme et qui s’exprime au niveau des pieds du cheval. Elle provoque une anomalie de la circulation sanguine dans les pieds produisant une nécrose des feuillets.

 

Dans les cas les plus avancés, la phalange distale bascule, tirée par le tendon fléchisseur du doigt, pouvant aller jusqu’à la perforation de la sole.

Les causes peuvent être :

  • Alimentaire : déséquilibre azote/glucose dans le sang, absorption d’une grande quantité d’eau froide
  • Mécanique/traumatique : excès de travail, surcharge chronique
  • Médicamenteuse : intoxication
  • Infectieuse (parturition)
  • Syndrome et maladie de cushing

Signes cliniques et traitements

Le cheval est à l’arrêt, se tient campé et reporte tout son poids sur ses talons. Il se déplace peu et la boiterie est aggravée sur sol dur. La douleur est intense et peut amener le cheval à se maintenir en position couchée.

Source : Equirodi

Dans un premier temps, si la fourbure est détectée très tôt, je préconise de plonger les pieds dans la glace pour limiter les symptômes puis réduire la douleur avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le cheval doit être soulagé le plus rapidement possible. Personnellement j’utilise des plaques de polystyrène extrude de 8 centimètres d’épaisseur qui ont l’avantage de pouvoir être mises en place très rapidement et sans contrainte pour le cheval, ceci permettra d’apporter un minimum de confort et de limiter la bascule  et/ou l’effondrement de la phalange. 

 

Dans un second temps, uniquement après la fin de phase aiguë de la fourbure (environ 10 jours), il ne faudra en aucun cas ferrer le cheval d’une manière classique, c’est-à-dire l’obliger à se tenir sur trois membres. Cela crée une trop forte surcharge. Il est préférable de le ferrer couché ou suspendu dans un harnais.

 

Un parage spécifique devient alors indispensable. L’objectif est de :

  • abaisser au maximum les talons pour tenter de ré-horizontaliser la troisième phalange
  • râper fortement la pince en pariétal pour l’aligner avec P3 et évacuer le podophylle nécrotique, limitant ainsi la formation d’abcès.

L’ensemble de ce parage bien maîtrisé couplé à un fer style Banana tridimensionnel en aluminium permettra de replacer le centre de pression.

On pourra ainsi réinstaurer une vascularisation dans le pied et éviter une nécrose de l’apex de la phalange distale. Bien évidemment, ils seront collés avec de la résine et non cloués pour éviter les chocs dûs au brochage. Pour limiter la bascule de la troisième phalange et la répartition des charges, un silicone (Luwex laminitis) ou une résine (Vettec) très ferme seront appliqués sous le pied. Le cheval, quant à lui, devra être maintenu au box sur une litière épaisse.

 

Une autre alternative, est la pose de fer en bois vissé qui permet aussi de soulager efficacement le cheval. Je le privilégie pour des chevaux très douloureux avec des pieds très abimés et avec des risques d’abcès non contrôlés. Ce type de recours permet de conserver l’effet tridimensionnel. De plus, par l’absence de colle, on évite la création de chaleur qui pourrait faire flamber les éventuels abcès.

Pièges et difficultés liés à la fourbure

1. Le recours à l'image radio uniquement

De mon expérience, l’utilisation unique de la radio donne des informations partielles de l’état du cheval. Cela peut être dans certain cas trompeur.

 

Pour être plus exact, la radio apporte des informations importantes sur l’état actuel du pied, certaines informations sur l’état passé, mais très peu d’information sur l’état à venir.

 

Il est de ce fait fréquent qu’un cheval qui allait très bien (« radiologiquement ») au moment de la prise des clichés radios avec pas ou peu de bascule, ni d’effondrement de P3, déclare une situation critique 3 semaines après.

 

Le phlébogramme, quant à lui, permet de se rendre compte très vite des défauts de vascularisation du pied et de se rendre compte que le problème sera plus grave que ce que l’on voit actuellement sur la radio. Cet examen est souvent plus proche de la clinique observée.

2. Bascule vs effondrement

Certains professionnels se concentrent beaucoup sur la bascule de la phalange et peuvent oublier de vérifier s’il y a un effondrement qui est en finalité bien plus dévastateur 

Pour ce type de verification, le logiciel Metron m’est particulièrement utile !

3. Ferrer trop rapidement

De mon expérience, il faut impérativement attendre la fin de la phase aiguë avant de referrer.

Une crise de fourbure provoque une inflammation importante dans le pied. Toute manipulation trop rapide risque d’augmenter cette inflammation (parage, changement des appuis, chocs, mise en charge du pied opposé…) et par conséquence, rendre l’animal de plus en plus douloureux.

4. Rétractation tendineuse

La rétractation tendineuse est l’une des complications qui peut s’installer en conséquence d’une fourbure mal soignée.

C’est très fréquent chez le shetland. Moins chez les chevaux qui sont généralement plus suivis. Ils sont également moins résistants à la douleur et arrivent plus rarement à ce stade de complication.

En tant que maréchal, le réflexe est de laisser du talon car les chevaux en fourbure y trouvent plus de confort.

C’est une erreur car l’une des conséquences possibles est de rentrer dans un autre cercle vicieux, et de voir s’installer une rétractation tendineuse dont l’issue peut être tout aussi fatale pour l’animal (voir article « Le rôle essentiel du maréchal ferrant par Bart Lambert« ).

5. La relation avec les propriétaires

Une difficulté principale rencontrée avec les propriétaires de chevaux fourbus est l’aspect psychologique.

 

Je préviens toujours les propriétaires que le plus compliqué sera de traverser les prochains mois avec leurs chevaux en souffrance, couchés.

Cela demande de l’endurance mentalement, ils ne s’en rendent pas toujours compte et veulent passer la situation le plus rapidement possible.

 

Or la fourbure est une pathologie dont il est difficile de sortir, et cela demande du temps. 

Selon moi il faut compter une année pour permettre au cheval de se remettre complètement de ce type de maladie.

 

Bien sûr, le cheval ira mieux courant de cette dite année. Mais aller trop vite dès les premiers signes d’amélioration, c’est augmenter les risques que le cheval ne s’en remette pas complètement ou que s’installe de la fourbure chronique.

 

L’aspect financier rattrape également souvent l’aspect affectif, car les traitements et soins spécifiques peuvent être lourds à supporter financièrement pour maintenir en confort les cas les plus graves.

 

Les outils et technologies utiles en gestion de fourbure

La radiographie couplée à la phlébographie sont selon moi des indispensables pour gérer les cas de fourbure.

De ce fait, le duo vétérinaire/maréchal est essentiel.

L’émotion passée liée au diagnostic, les propriétaires ne le comprennent pas toujours, et espèrent pouvoir, dans la durée, économiser les visites/clichés réalisés par le vétérinaire.

C’est une erreur grave, car en tant que maréchal, cela nous pousse à travailler en partie à l’aveugle. Et sur ce type de pathologie, les conséquences peuvent être dramatiques.

Le duo vétérinaire / maréchal est essentiel pour gérer les cas de fourbure

Pour ma part, j’ai en plus intégré la mesure dans mon activité.

Je reste très proche des vétérinaires avec lesquels je collabore. À partir de leurs clichés je peux suivre des éléments qui me sont importants en tant que maréchal. 

Dans certains cas, je couple les clichés radiographiques vétérinaires pris sur mes blocs, avec mes clichés photographiques.

Cela me permet de gagner en précision et en autonomie, j’ai la preuve chiffrée que le cheval ira mieux cliniquement. Avec la mesure, les améliorations sont quantifiées, de manière plus précises qu’à l’œil nu, c’est incontestable, le protocole de prise de mesure reste le même d’un cliché à l’autre, d’un cheval à l’autre pour être le plus précis possible.

J’utilise notamment beaucoup la mesure des angles phalangiens ainsi que la répartition des distances de part et d’autre du centre du condyle de P2.

Avec la mesure, les améliorations sont quantifiées, de manière plus précises qu’à l’œil nu, c’est incontestable, le protocole de prise de mesure reste le même d’un cliché à l’autre, d’un cheval à l’autre pour être le plus précis possible.

Pour la partie ferrure, voir l’évolution en sortie de ferrure est une bonne chose pour illustrer à mes clients comment le cheval évolue ainsi que le résultat du travail effectué.

La photo permet de rappeler aux propriétaires comment était le cheval quand ils me l’ont amené, car ils ne se rappellent pas toujours que le cheval était dans cet état quand je l’ai pris en charge la première fois !

Suivi et analyse des pieds

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