La perte d’un animal de compagnie est une épreuve difficile à accepter. Même dans le cas d’une longue vie partagée, le moment inévitable de dire adieu à nos compagnons âgés demande une certaine préparation, afin de vivre cet instant avec sérénité et dignité.
L’accompagnement du vétérinaire lors de la fin de vie
Véritable repère pour les propriétaires, le vétérinaire joue un rôle essentiel dans l’accompagnement de la fin de vie d’un animal. Grâce à son expérience et à l’analyse des signes cliniques, le professionnel de santé sait, souvent avant les propriétaires, quand la fin approche.
Accepter cette réalité peut s’avérer complexe pour ceux qui partagent leur quotidien avec l’animal : le manque de connaissances ou simplement l’attachement émotionnel créent parfois une forme de déni naturel.
C’est là que l’accompagnement du vétérinaire prend tout son sens. Son rôle est de traduire avec pédagogie et bienveillance les observations cliniques en informations accessibles et compréhensibles pour les propriétaires.
« J’ai eu la chance d’être accompagnée de manière très attentive par ma vétérinaire, qui est également une amie. Durant la dernière année de vie de mon chien, nous réalisions presque une consultation par mois. Ce suivi régulier m’a aidée à prendre conscience, progressivement, que mon compagnon approchait de la fin.
Lorsque les signes cliniques se sont aggravés, ma vétérinaire m’a expliqué avec honnêteté que nous allions devoir faire face à une tumeur agressive, apparue dans la bouche de mon chien.
J’ai apprécié qu’elle prenne le temps de m’expliquer ce qui allait se passer, cela m’a permis de comprendre, de me préparer et d’accepter que, lorsque le moment viendrait, il ne serait pas envisageable de le laisser partir sans aide.
Elle m’a dit très clairement :
"Avec ce type de masse, il ne partira pas seul paisiblement dans son panier. Il faudra l’accompagner."
J’ai compris qu'il faudrait prendre la décision de l’euthanasie, à un moment donné.
L’espérance de vie estimée était de 4 à 6 semaines. Finalement, après trois semaines, face à la dégradation de son état, nous avons pris la décision de le laisser partir. »

Au-delà du soutien qu’il apporte aux propriétaires, le vétérinaire est également confronté à des choix et des émotions complexes face à la fin de vie des animaux.
Pour mieux comprendre cette dimension, le Dr Valérie Foucon-Ledogard partage son regard sur l’accompagnement et l’acte d’euthanasie, une responsabilité qui reste lourde de sens pour tous les professionnels de la médecine vétérinaire.
L’euthanasie, acte positif ou redouté par les vétérinaires ? par le Dr Valérie Foucon-Ledogard
“Pour ma part, je considère l’euthanasie comme un acte positif — à condition qu’elle ne soit jamais pratiquée par convenance. Lorsque l’animal vit ses derniers jours dans la douleur, dans un inconfort majeur ou qu’il n’a plus une véritable « vie de chien », cet acte permet de le soulager dignement. C’est dans ces circonstances que je parviens à voir l’euthanasie comme une aide, et non comme une fin brutale.
Mais en parallèle, c’est aussi un acte redouté. En tant que vétérinaires, nous avons été formés pour soigner et guérir. L’euthanasie reste, malgré tout, vécue comme un échec face à la maladie ou à la vieillesse.
L’euthanasie confronte également à la mort, ce qui n’est jamais anodin, même pour des professionnels de santé habitués à gérer des situations difficiles. Et paradoxalement, plus les années passent, plus cet acte peut devenir émotionnellement lourd à supporter.
C’est pourquoi il est essentiel de toujours garder en tête le sens de cet acte : soulager un animal en grande souffrance. C’est cette certitude qui nous permet, en tant que vétérinaires, de continuer à affronter ces situations au fil du temps.
Un autre point souvent méconnu : notre profession fait partie des rares métiers habilités à donner la mort. Cela demande une grande solidité psychologique, surtout dans un métier choisi par amour des animaux et du soin.”
Dans certains pays, une attention particulière est portée au suivi psychologique des vétérinaires, mais ce n’est pas le cas partout. En France par exemple, un vétérinaire libéral n’a pas de suivi médical systématique, contrairement aux vétérinaires salariés, qui bénéficient de visites médicales dans le cadre de leur contrat de travail.
Se préparer à l’euthanasie de son animal
Chaque propriétaire vit ce moment selon sa propre sensibilité, influencée par son lien avec l’animal, son histoire personnelle et sa manière d’affronter les séparations.
Certains ne voudront pas assister à l’acte, tandis que d’autres éprouveront des difficultés à quitter la salle de consultation où s’est éteint leur compagnon.
Se préparer mentalement en amont permet souvent d’aborder ce moment avec davantage de sérénité et de mieux accompagner son animal jusqu’au bout.
1. Connaître les étapes d’une euthanasie
Lorsqu’un propriétaire se rend pour la première fois à une consultation d’euthanasie, de nombreuses questions et appréhensions surgissent naturellement :
« Vais-je pouvoir rester avec mon chien jusqu’au bout ? Aura-t-il mal ? Est-ce qu’il pourrait gémir ou aboyer ? La piqûre est-elle faite directement dans le cœur ? Y aura-t-il des convulsions au moment de sa mort ? »
Des interrogations qui, pour les professionnels, peuvent sembler familières, mais qui traduisent l’inquiétude bien légitime de ceux qui n’ont jamais été confrontés à la fin de vie d’un animal. Dans ces moments, l’émotion amplifie souvent l’imaginaire, rendant l’inconnu encore plus angoissant.

2. Anticiper plutôt que réagir
Quand cela est possible, anticiper l’euthanasie plutôt que d’agir dans l’urgence offre un véritable apaisement — pour l’animal, son propriétaire et même pour l’équipe vétérinaire.
Il est souvent difficile de savoir quel est « le bon moment » pour dire adieu à son compagnon. Chaque propriétaire se confronte alors à des questions douloureuses :
“Puis-je lui offrir encore une journée de plus ?
Est-ce vraiment pour lui, ou est-ce pour moi ?
Est-ce que je retarde ce moment au risque de le faire souffrir ?
Et si je prends cette décision trop tôt, ne suis-je pas en train de le priver d’un temps précieux ?”
Ce dilemme laisse rarement place au soulagement, car il génère une double culpabilité : celle d’avoir choisi de le laisser partir… ou de l’avoir maintenu malgré la douleur.
Lorsque l’état de l’animal le permet, prendre le temps d’organiser ce dernier rendez-vous présente de nombreux avantages. Cela permet d’être accompagné par son vétérinaire habituel, dans un cadre familier, plutôt que de devoir affronter une situation d’urgence, parfois de nuit ou durant le week-end, auprès d’une structure inconnue.
Lors d’une consultation planifiée, l’équipe vétérinaire peut proposer un créneau adapté, permettant au propriétaire d’accorder à son animal un dernier adieu, dans le calme et l'intimité. Un moment qui, dans une situation d’urgence, est rarement possible.
“Dans mon cas, j’ai amené mon chien pour la dernière consultation car je voyais qu’il ne se sentait pas très bien, que ses journées lui semblaient plus pesantes qu’à son habitude. Alors j’ai demandé à prendre ce dernier rendez-vous.
C’était compliqué, car au matin de cette journée il gambadait encore dans le jardin, il est même revenu en courant. Il avait l’air content. Je me suis demandée si je faisais bien, j’avais presque l’impression de le tuer.
En arrivant chez sa vétérinaire, son état était évident. La masse dans sa bouche avait progressé, le sang, les tissus qui nécrosent, la perte de poids que nous ne pouvions plus freiner…Tout ce que m’avait prédit la praticienne était devenu réalité. Ça m'a fait du bien qu’elle me confirme que nous ne pouvions pas laisser mon ami ainsi et que le moment était arrivé.
Avant de venir, j’avais mentalement préparé cette consultation, imaginant chaque étape pour mieux y faire face. Je savais que les émotions seraient intenses, et je voulais être forte pour lui, pour l’accompagner dignement. C’était son moment, pas le mien. Je souhaitais être à ses côtés, sans lui transmettre mon stress ni ma tristesse.
La consultation s’est déroulée dans une atmosphère calme et intime. Une fois le cathéter posé pour l’injection, la vétérinaire m’a indiqué qu’il était temps de lui dire tout ce que j’avais à lui dire. Je lui ai simplement murmuré “Je t’aime” en le serrant contre moi, en le remerciant pour tout ce qu’il m’avait donné.
La première injection a fait effet instantanément : il s’est endormi profondément, son corps s’alourdissant dans mes bras. Il n’a pas eu le temps de fermer complètement les yeux, tant la puissante sédation a agi rapidement. Il respirait lentement, comme plongé dans un coma profond.
Lorsque la seconde injection a eu lieu, je n’ai rien observé de particulier. Je suis restée à ses côtés, la main sur lui, jusqu’à ce que la vétérinaire se retire. Ce n’est qu’à ce moment-là, en vérifiant son thorax, que je me suis rendue compte que mon ami ne respirait plus, et que son cœur ne battait plus non plus.
Il était parti."
L’après euthanasie
“La vétérinaire m’a alors laissée seule avec mon chien, pour ces derniers instants d’intimité.
J’étais apaisée d’avoir tenu le cap pour lui, sans lui transmettre d’angoisse.
Quand j’ai dû le quitter, un sentiment inattendu m’a envahie : la difficulté à m’éloigner de son corps sans vie, à le laisser là, dans cette clinique. Je n’étais pas prête à faire face à ce départ final, à le laisser ici, sans jamais plus le revoir.
Ce manque de préparation a été l’étape la plus difficile pour moi.
J’ai continué de poser la même question à la vétérinaire, comme un automate, répétant sans cesse : “Il va être mis en chambre froide, puis récupéré pour l’incinération ?”
C’était comme si mes pensées s’embrouillaient dans ce moment si lourd. Je m’étais préparée à l’euthanasie, mais pas à l’étape suivante. J’ai été envahie par la peur de ne pas savoir où il allait reposer, ni où je pourrais symboliquement me recueillir si je le souhaitais.
Avec beaucoup de douceur la vétérinaire m’a expliqué que l’organisme d’incinération avec lequel elle travaillait répandait les cendres des crémations collectives dans un endroit dédié. Que j’aurai donc un lieu clair où seraient déversées les cendres de mon ami et de ses compagnons d’infortune.
Mentalement, cela m’a apaisée de connaître le déroulé de ce qui allait se passer. J’étais rassurée à l’idée que mon compagnon reposerait entouré d’animaux et de l’amour de propriétaires attristés comme moi, partageant la douleur de la perte de leur ami.”
Le mot du professionnel
“Un autre aspect difficile de mon rôle en tant que vétérinaire, c’est de voir les propriétaires partir, le cœur lourd, avec le poids de leur perte. Une fois l’euthanasie accomplie, ils doivent, s’ils le souhaitent, trouver leurs propres moyens de faire face à la douleur du départ.
Il est difficile de les laisser partir ainsi, seuls avec leur chagrin, sans pouvoir les accompagner davantage dans cette étape cruciale.”
Dr Valérie Foucon

Les cimetières animaliers : un lieu de mémoire et de paix
Les cimetières animaliers sont bien plus que des espaces de sépulture ; ce sont des lieux de recueillement et d’hommage, où l'amour des propriétaires pour leurs compagnons se perpétue.
Certains espaces sont réservés aux urnes individuelles, d'autres accueillent les cendres des animaux incinérés collectivement. On y trouve des tombes simples, mais aussi des mini-mausolées, chacune racontant une histoire unique, celle d’un animal qui a marqué la vie de son maître.
Chaque monument, chaque inscription témoigne de l'affection profonde des propriétaires et de l'empreinte indélébile que ces animaux ont laissée dans nos vies. Ces animaux tant aimés, désormais réunis en un même lieu, créent un sentiment de solidarité parmi ceux qui partagent cette douleur, rappelant que la perte d’un animal de compagnie, bien que personnelle, fait écho à une tristesse partagée par beaucoup.
Les cimetières animaliers, dans leur diversité, n'ont rien à envier aux cimetières humains. Les messages d’amour gravés sur les pierres tombales des animaux, empreints de tendresse et de souvenirs, rappellent la relation unique et sacrée entre un être humain et son compagnon à quatre pattes.
“A toi que j’aimerai toujours”
“Merci d’avoir partagé ma vie”
“Je ne t’oublierai jamais”
“A ce jour maudit où je t’ai perdu”
“Pour toutes ces années d’amour, de joie et de bonheur…Merci”



Faire face au deuil de son animal
Faire face à la perte d’un animal est une épreuve profonde, et pour aider les propriétaires à traverser cette étape difficile, Donna Wills a écrit un ouvrage poignant intitulé "The Best Goodbye: A True Story of Love and Farewell".
Dans ce livre, elle partage son propre vécu et son ressenti face à la disparition de son animal, tout en offrant des outils précieux pour accompagner ceux qui traversent un deuil similaire.

« En écrivant ce livre, j’ai pu voir à quel point mes pensées, mon déni et mes émotions étaient des montagnes russes, bien avant même de perdre mon chien adoré.
J’ai fait le deuil à l’avance. Je suis tellement reconnaissante d’avoir trouvé la force intérieure de remettre de l’ordre dans ma tête, suffisamment pour mettre en place les choses nécessaires quand il a eu besoin de moi.
Ça a été très difficile, mais je savais que je lui offrais son dernier cadeau : celui du plus bel adieu. Et au final, ce fut un cadeau pour nous deux. »
Donna Wills