Souvent sous-estimé dans la gestion des chevaux, l'angle palmaire négatif est un phénomène pouvant engendrer une douleur significative chez nos compagnons équins.
Souvent simplifié par la notion de "cheval aux pieds plats", ce problème peut avoir des répercussions majeures non seulement sur la santé locomotrice à long terme, mais également sur les performances athlétiques que l'on peut attendre des chevaux.
L'angle palmaire négatif : une source de contrainte excessive sur le tendon fléchisseur profond
L'angle palmaire est considéré comme négatif lorsque l'angle entre la base de la troisième phalange (P3) et le sol devient négatif. Cette condition entraîne une tension accrue sur le tendon fléchisseur profond. Bien que certains chevaux puissent tolérer cette contrainte excessive, cela conduit régulièrement à des blessures graves, comme le montre l'exemple clinique ci-dessous.
Chez ce cheval, P3 présente un angle de -0,97 degré. L’imagerie par échographie confirme une blessure du tendon fléchisseur profond au niveau de l’articulation du boulet, laquelle, selon l’équipe vétérinaire, est attribuée à cette rétroversion de la troisième phalange mesurée à l’aide du logiciel Metron.
Ce cas illustre clairement l'impact qu'un angle palmaire négatif peut avoir sur la santé du système locomoteur et le risque de blessures graves qu'il peut engendrer. Le cheval, en souffrance, présentait une importante boiterie.
Gestion de la maréchalerie : un facteur d'amélioration ou d'aggravation de l’angle palmaire négatif.
Le Dr Robrecht Vanhoutte, directeur du Centre Orthopédique pour Chevaux Buitenzorg aux Pays-Bas, connaît bien ce problème.
Travaillant en étroite collaboration avec les maréchaux-ferrants pour gérer l'angle palmaire négatif, il s'appuie sur son expérience pour mettre en évidence plusieurs erreurs courantes en maréchalerie qui aggravent les problèmes de rétroversion de P3 chez les chevaux :
• Le recours aux pinçons à l’avant du pied peut favoriser l’allongement excessif de la pince : “Un mauvais ajustement du pinçon en pince peut entraîner un déséquilibre du pied et empêcher le bon placement du fer sous P3 (le fer se place souvent trop en avant du pied). Cette situation favorise grandement l’allongement de la pince et l’effondrement des talons.”
• Raccourcir les branches des fers contribue à augmenter le déséquilibre de la structure du sabot : “Encore une fois, si vous raccourcissez les branches ou utilisez des fers trop petits (ce qui est la plupart du temps ce qui se passe), l'os du pied (P3) n'est pas correctement soutenu, le soutien de la pince devient trop élevé, et le centre de pression se retrouve trop en arrière sur le fer.”
• Mauvaise correction par le parage, entraînant des sabots à pince allongée.
Ces erreurs peuvent aggraver l'angle palmaire négatif, rendant le cheval vulnérable aux blessures, aux boiteries et augmente le risque de contreperformances sportives.
© OCH Buitenzorg. Exemples avant/après de cas d'angle palmaire négatif gérés par la clinique équine Buitenzorg.
Lutter contre l'angle palmaire négatif : À la recherche de l'équilibre du pied
Pour lutter contre ce problème, le Dr Vanhoutte, en collaboration avec le maréchal-ferrant avec lequel il travaille, Jan-Willem Gerritsen, a développé un fer à cheval innovant conçu pour optimiser l'équilibre et la répartition des forces sur le sabot : un fer hybride "Banana shoe" combiné à l’utilisation de plaque.
En effet, l'un des principaux défis pour les professionnels dans la gestion de l'angle palmaire négatif est de ramener impérativement l'équilibre du pied et de prendre soin de la partie arrière du sabot, comme le souligne Jan-Willem, le maréchal-ferrant de la clinique :
« Des talons sous-développés résultent généralement d’une surface d’appui insuffisante à l’arrière du pied. Les talons s’effondrent sous une pression excessive, ce qui entraîne un déplacement trop en avant de la surface d’appui par rapport à l’os du pied.
De mon expérience, pour gérer ce type de problèmes, je commence par parer la pince autant que possible. Ensuite, je ramène les talons autant que possible vers la partie la plus large de la fourchette, en partant du côté le plus palmaire de l’os du pied.
En étendant ainsi la surface d’appui, l’os du pied (P3) ne basculera pas vers l’arrière, ou ne le fera que très légèrement.
Côté ferrure, j’ajoute une courbure aux branches du fer pour soutenir autant que possible la fourchette en utilisant en complément des plaques. De plus, le pied doit être rempli avec un matériau bicomposant de dureté appropriée, sinon la plaque causera plus de dégâts que de bénéfices. Le placement du fer est également extrêmement important. »
La méthodologie hybride utilisée par Jan-Willem : les avantages pour la gestion de l’angle palmaire négatif
Jan-Willem a développé ce fer car l'utilisation d'un fer "Banana" est largement reconnue comme une bonne pratique pour lutter contre l'angle palmaire négatif (NPA). Mais selon lui, ce n'est pas un fer fonctionnel (non adapté aux chevaux montés).
En combinant : Surface plate sous la pince + Correction du centre de rotation du pied (COR) + Courbure des branches, Jan-Willem combine le meilleur des deux mondes.
D'après l'expérience de Jan-Willem, le Banana-shoe est trop instable pendant le travail monté.
C'est également le cas pour un fer classique après avoir seulement paré les talons, comme l'illustrent les mesures de Hoofbeat ci-dessous.
À gauche, la mesure avec un fer classique, à droite, le même cheval avec le Triple-B hybride.
La méthode développée par le Dr Vanhoutte et Jan Willem Gerritsen permet d'ajuster l'angle palmaire pour soulager le tendon fléchisseur profond, restaurer la fonction du sabot, sa forme et le confort.
Les plaques utilisées sont conçues avec une pente graduelle du talon vers la pince. Le principal objectif est d'aider à ajuster l'angle du sabot, souvent pour traiter des problèmes tels qu'un angle palmaire négatif, des pieds plats ou d'autres déséquilibres structurels.
Les principaux avantages sont :
• Amélioration de l'angle du sabot : Les plaques peuvent aider à soulever les talons et à incliner l'os du pied dans une position plus naturelle ou souhaitée.
• Réduction de la pression sur les tendons : En redistribuant les forces et la pression, elles peuvent réduire la tension sur des structures comme le tendon fléchisseur profond.
• Aide à la guérison : Les plaques peuvent être utilisées dans des contextes thérapeutiques pour soulager la douleur ou l'inconfort causés par des déséquilibres ou des blessures.
“Gardez à l'esprit que les plaques ne sont qu'un « pansement » !
Elles aident à soulager les symptômes d'un problème plus vaste. Tant que nous, vétérinaires et maréchaux-ferrants, continuerons à ne regarder que le sabot et à ignorer l'os du pied, nous combattrons des moulins à vent ! L'os du pied est la fondation du sabot, de la jambe et du cheval.
Tant que l'os du pied n'est pas correctement soutenu par le sabot et la ferrure, la boîte cornée commencera, avec le temps, à se remodeler, et la plupart du temps, pas de la bonne manière !” rappelle Robrecht.
Parallèlement, pour les cas qui l'exigent, comme celui présenté au début de cet article, un traitement par cellules souches peut être administré pour favoriser une régénération rapide et efficace des tissus tendineux blessés.
L'angle palmaire négatif, un problème mal compris ?
Selon le Dr Robrecht Vanhoutte, l'observation est claire : « Notre plus grand défi est le manque de connaissances au sein de la profession, tant chez les vétérinaires que chez les maréchaux-ferrants. Le plus grand défi est de savoir quel angle palmaire négatif nécessite une correction et lequel n'en a pas besoin. »
C'est aux côtés de son maréchal-ferrant, Jan Willem Gerritsen (Gerritsen Orthopedisch Hoefbeslag), que Robrecht étudie de nouvelles approches plus efficaces pour gérer l'angle palmaire négatif. Il est convaincu que les vétérinaires et les maréchaux-ferrants ne sont souvent pas suffisamment informés des conséquences et des solutions disponibles pour gérer cet angle palmaire négatif. Ce problème est fréquent, comme en témoigne le nombre régulier de chevaux qu'il reçoit pour cette raison dans sa clinique. Ce problème est souvent sous-estimé dans le monde équin, alors que les conséquences sur la santé des chevaux affectés peuvent être graves.
Exemple d'un cas géré par la clinique montrant l'évolution du sabot après 6 semaines de ferrure avec leur nouvelle approche.
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