La prévention des blessures du cheval au ferrage

Redoutées par les cavaliers-propriétaires et familières aux professionnels expérimentés, les blessures du cheval au moment du ferrage peuvent, en partie, être anticipées.

Qu'elles soient liées au matériel, aux réactions vives des équidés ou à une erreur humaine, Pierre Martinuzzi partage son expérience sur la question et livre quelques clés pour adopter les bons gestes.

Les blessures lors du ferrage dues au matériel

Il va sans dire que les chevaux sont des animaux imprévisibles et que certains sont toujours sur le qui-vive.
Un jour venteux, des bruits inhabituels, un changement dans le décor… Les raisons d’inquiéter un cheval peuvent être nombreuses.

Par simple maladresse ou sous l’effet de la peur, leurs réactions peuvent être incontrôlées et amener les chevaux à se blesser eux-mêmes sur le matériel des professionnels, comme le rappelle Pierre Martinuzzi, dirigeant de Maréchalerie Martinuzzi :

Je me souviens avoir vécu une mauvaise expérience chez l’un de mes anciens patrons. Les trépieds avec lesquels nous travaillions étaient faits maison.
À force de frottements sur le sol, les pieds étaient devenus coupants à cause de l'usure. Un jour, un cheval a bougé et s'est appuyé sur l’un de ces bords tranchants. Il s'est sectionné une veine à l’intérieur de la cuisse. C’était très impressionnant, car il s’est mis à saigner abondamment. Heureusement, la cheffe d’écurie présente ce jour-là avait une bonne connaissance des gestes de secours. Avec un simple point de compression, le saignement a cessé en une dizaine de minutes.”

Les principaux problèmes relevés par Pierre sont surtout dus à des facteurs extérieurs. Le cheval peut, par exemple, se cogner contre les servantes.

Certains rebords deviennent particulièrement coupants en raison de l’usure et de la manipulation des outils. C’est notamment le cas des compartiments où sont rangées les râpes. À force d’être enlevées et remises, les bords métalliques des servantes s’usent et deviennent tranchants. Si un cheval les touche, le risque de section des tissus (peau, muscles, tendons…) peut être élevé.

Les gestes de premiers secours appliqués à la maréchalerie

Les formations en maréchalerie ne comprennent pas de sensibilisation sur la manière de réagir face aux problématiques courantes rencontrées lors du ferrage.

C’est l’expérience qui forme, comme le partage Pierre.

Être informé sur la façon d’appliquer un point de compression, par exemple, permet de savoir réagir en cas de saignement abondant dû à une coupure.

Les gestes soudains et violents d’un cheval peuvent également entraîner d’autres types de blessures, comme s’en souvient Pierre Martinuzzi :

C’était un jour venteux, et le cheval a pris peur. L’un de mes apprentis travaillait sur la fourchette avec un rogne-pied. Le cheval a violemment bougé, et l’outil a partiellement sectionné un tendon sur la partie basse du membre.

Dans ce cas, le vétérinaire est appelé en urgence. Échographie, évaluation de la gravité de la blessure… Un protocole est ensuite mis en place pour soigner l’équidé, tout en informant parallèlement le propriétaire de l’accident.”

Si savoir comment réagir lors d’une situation d’urgence peut s'avérer utile en attendant l’arrivée du vétérinaire, la prudence reste de mise face à certaines situations, comme en témoigne Pierre :

"Je me souviens d’un cheval qui présentait une grosse boule sous le pied. Cela me paraissait bénin, donc j’ai été tenté, pour gagner du temps et retourner rapidement à mon travail, de prendre l’initiative de couper cette masse et de la cautériser, comme il est facile de le faire en tant que maréchal-ferrant.
J’avais cependant un doute. Alors, j’ai préféré que cela soit vu par un vétérinaire avant d’y toucher, bien que certains de mes confrères m'assuraient de ne pas en faire cas et de procéder moi-même à cette simple ablation au niveau de la sole.

Quelle ne fut pas ma surprise, lorsque de retour sur le cheval avec le vétérinaire, ce dernier a retiré l’amas de tissus, qui comprenait d'importants vaisseaux sanguins et a conduit à un impressionnant écoulement de sang ! La mise en place d’un garrot a été nécessaire par le praticien.

J’ai été heureux de ne pas avoir fait les choses par moi-même ce jour-là, car je serais sorti de mes zones de compétences avec un possible accident à la clé."

Les blessures en ferrant un cheval

Anodines dans la plupart des cas, les atteintes lors du ferrage sont bien connues des professionnels et anticipées par ces derniers.
À la moindre suspicion, une attitude préventive permet de ne pas blesser l’animal, comme l'explique Pierre :

"Lorsque l’on apprend le métier, des erreurs peuvent particulièrement survenir lors de la deuxième année d’apprentissage. À ce stade, les élèves vont plus loin dans le travail du pied et peuvent parfois enlever trop de matière lors du parage.

Dans ces cas, certains chevaux peuvent se retrouver sur des œufs dans l’heure qui suit l’intervention.
Il est alors nécessaire d’évaluer le degré de sensibilité du cheval pour adopter la meilleure démarche à suivre pour l’animal. La locomotion est observée ainsi que le comportement global du cheval, afin d’identifier quels soins appliquer pour soulager l’équidé.

Le plus souvent, et selon les situations, les maréchaux ont recours soit à de l’Animalintex pour ramollir la boîte cornée, soit au Magic Cushion pour refroidir le pied et diminuer la sensibilité."

Les atteintes lors du brochage

Le brochage est l’étape où le professionnel insère les clous dans la boîte cornée. C’est une étape délicate, car le maréchal-ferrant dispose d’une marge de manœuvre de 1 cm à 5 mm seulement pour opérer.

À ce moment, les risques peuvent être les suivants :

Serrer le cheval : le clou est proche des tissus mous, mais ceux-ci n’ont pas été touchés. Ce phénomène peut tout de même avoir un impact sur certains chevaux et les rendre sensibles.

Piquer le cheval : dans ce cas, le clou a touché les tissus mous.

Lors de ces atteintes, certains chevaux peuvent réagir immédiatement, tandis que d’autres non. Une sensibilité n'apparaît alors que dans les 24 heures qui suivent le ferrage.

Dans ce type de situation, si Pierre et son équipe sont informés qu’un cheval ne va pas bien le lendemain du ferrage, une visite s’impose pour venir en aide à l’animal. Le fer est retiré et le cheval est placé sous Animalintex durant 2 à 3 jours.

D’après l’expérience du professionnel, les choses rentrent rapidement dans l’ordre. Le cheval n’est pas douloureux, et le propriétaire est informé en toute transparence de la situation.

"À la sensation et avec l’expérience, on sent quand on enfonce le clou, s’il se loge au bon endroit ou non.
S’il est mal placé, le clou doit être retiré pour être replacé à un meilleur emplacement.
Si le cheval a été piqué avec un clou propre et que celui-ci a été retiré par le professionnel, les risques d’abcès sont très minimes.

En revanche, si le clou n’était pas propre (tombé au sol avant d’être utilisé, par exemple), et qu’il pique les chairs molles avant d’être retiré, les risques d’abcès augmentent, car des saletés ont pu être enfermées dans le pied du cheval.
Si une petite goutte de sang apparaît dans ce type de situation, c’est un point positif pour nous, car le sang draine et retire les saletés en s’évacuant, ce qui diminue les risques d’abcès.

Dans ce type de scénario, le cheval se remet très bien de ces petites atteintes et cela ne laisse aucune incidence.
La difficulté apparaît si des saletés sont enfermées dans le pied (en piquant l’animal ou en ressortant le clou), car cela peut entraîner la formation d’abcès en maréchalerie."
Pierre Martinuzzi
Maréchalerie Martinuzzi

Ce type de dommage lors du brochage est accru lorsque la paroi est fine.

Comment savoir si un clou est bien placé ?

"Avec l’expérience, on le voit à la réaction de l’animal et au bruit. Plus le bruit devient sourd, plus le clou se place et sortira haut dans la paroi. Au moment de brocher, la réaction du cheval donne beaucoup d'indications sur sa sensibilité. Si tout semble correct, l’étape suivante permet également au maréchal de vérifier si le cheval ressent une sensibilité ou non. C’est l’étape du rivage."

Les enjeux du rivage

Pour Maréchalerie Martinuzzi, cette étape du ferrage est d’une grande importance. La pince à river de la marque GE est tout spécialement appréciée pour cette manœuvre, de par ses crans spécifiquement conçus pour attraper les clous.

Pour river (étape où l’extrémité du clou est rabattue vers le bas), nous veillons à bien attraper l’extrémité pour la rabattre et le river, comme le font l’ensemble des professionnels. Mais au sein de notre équipe, nous sommes extrêmement rigoureux quant à serrer fermement l'embout du clou contre le pied.

Cela peut paraître anodin, mais en serrant fermement à cet instant précis, le cheval nous donne énormément d'informations sur la réussite ou non du ferrage.

À la moindre sensibilité exprimée par le cheval à ce moment-là, nous n’avons aucune hésitation et considérons que le clou doit être retiré, car le cheval a exprimé une sensibilité qui doit être prise en compte.

Souvent, les professionnels utilisent des pinces simples pour river, afin de recourber vers le bas et aplatir l’extrémité du clou sans insister.

J’encourage vraiment à être rigoureux au moment du rivage, en veillant à attraper l'extrémité du clou et à la serrer contre la paroi pour déceler le moindre signe de douleur chez les chevaux.


Cette opération fait bouger la paroi, qui, malgré son apparente rigidité, possède en réalité une certaine souplesse.

Avec l’expérience, en faisant bouger la boîte cornée et en serrant le pied au moment du rivage, vous recevez dans la main la sensibilité du cheval. À cet instant précis, le cheval nous parle, et il est impératif de l’écouter, car cet échange est révélateur de la présence ou non d’une douleur pour l’animal.

Généralement, les chevaux ont plus de sensibilité sur les faces internes, car les parois sont plus fines. D’expérience, on sait que ces clous-là sont plus à risque.

Je préfère qu’il y ait moins de clous que de sensibiliser le pied. Un endroit qui a été sensibilisé se traduit par une infime inflammation qui s’est mise en place.

Dans ce cas-là, je préfère laisser la zone au repos, car retravailler cet endroit pourrait amplifier le processus inflammatoire et augmenter le risque de douleur.

Ces petites inflammations dans le pied peuvent être très longues à disparaître si nous ne considérons pas le sujet avec suffisamment de rigueur. Et ce n’est pas une bonne chose.

Certains chevaux ne seront plus sensibles au bout de 2 jours, tandis que d'autres le seront pendant 10 jours, même après avoir été à peine serrés.

Dans tous les cas, leurs réponses doivent être prises en compte, car ce n’est évidemment pas notre objectif en tant que maréchal-ferrant de laisser un animal douloureux, peu importe son niveau de sensibilité."
- Pierre Martinuzzi

Conseils aux maréchaux par Pierre Martinuzzi

Si je devais indiquer quelques points de vigilance pour éviter les blessures du cheval lors du ferrage, j’encouragerais les professionnels à :

• Vérifier la sensibilité des chevaux lors du rivage. Il est important de serrer fermement le pied, de faire jouer la souplesse de la boîte cornée pour mettre en évidence une sensibilité éventuelle du cheval qui vient d’être ferré.

• Ne pas être trop tenté de mettre plus de clous. Je préfère accepter le risque de devoir repasser pour un déferrage plutôt que de repasser parce que le cheval n’est pas bien.

• Observer beaucoup le cheval, pendant et après la ferrure. Il faut être attentif à tout changement d’attitude (par exemple, un cheval qui se place différemment de son habitude ou qui montre une petite hésitation dans le mouvement), car ces changements peuvent être révélateurs d’une douleur pour l’animal.

Un dernier conseil qui me paraît important sur le sujet :
Informez-vous sérieusement du plafond de votre contrat d’assurance et n’hésitez pas à les contacter rapidement en cas de problème.

Retrouvez toute l'actualité de Maréchalerie Martinuzzi sa page facebook :
Maréchalerie Martinuzzi

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