Garants de la santé de nos animaux, leurs statuts oscillent entre admiration et scepticisme.
Véritables héros aux heures où ils assurent la vie, ils sont aussi parfois les chaperons des derniers instants de nos bien-aimés compagnons…
Quelles charges émotionnelles et mentales pèsent sur les vétérinaires ?
Spécialisés dans la détection, l’établissement du diagnostic, et le suivi des traitements, le vétérinaire est également chef d’entreprise (selon son statut professionnel). Son habilité à soigner n’est pas l’unique mission qui lui incombe.
Gestion administrative, financière, gestion du personnel, gestion de la psychologie des propriétaires, la liste est longue. Nos Docteurs en médecine vétérinaire, comme à l’instar d’autres professionnels, y sont-ils toujours bien préparés ? Quelles charges émotionnelles et mentales pèsent sur eux ?
Les propriétaires en ont-ils réellement conscience ? Certains témoignages révèlent des difficultés et drames liés à ce beau métier. Immersion dans l’intimité de ces praticiens, qui dédient leur vie à la santé animale.
Ekico : Bonjour Docteur Outters, vous êtes vétérinaire mixte avec une pratique à 80% équine et 20% rurale. Il y a également une grosse activité de petits animaux au sein de la clinique où vous exercez et vous êtes au total une équipe de huit vétérinaires à Saint Germain-Lespinasse, dans le département de la Loire.
Un grand merci de nous accorder cet échange afin de mieux comprendre ce que peuvent vivre et traverser les vétérinaires.
Pour commencer, parlons un peu de vous. Dédier votre carrière à la médecine vétérinaire, pourquoi ce choix ?
Dr Vincent Outters : J’aimais le contact avec les chevaux lorsque j’étais enfant et j’ai appris ensuite à aimer le contact avec les autres animaux. J’ai apprécié le fait d’améliorer la qualité des élevages en améliorant la gestion sanitaire au moyen de mise en place de vaccination, d’une meilleure alimentation, etc.
Ekico : Selon vous, quelles sont les plus grandes difficultés que peuvent rencontrer les vétérinaires dans leur pratique ? Comment pensez-vous qu’il soit possible d’y remédier ?
Dr Vincent Outters : Tout d’abord le stress, au quotidien. On passe des examens à chaque instant. Nous sommes jugés constamment sur notre attitude, sur notre amabilité, sur notre façon d’expliquer le problème aux propriétaires et, bien sûr, sur la qualité des soins que l’on prodigue.
Ensuite, nous avons aujourd’hui de grosses entreprises car les vétérinaires seuls n’existent quasiment plus ou sont voués à disparaître. Nous sommes donc des chefs d’entreprises avec tout ce que cela comporte comme souci : personnels, gestion de l’entente d’une équipe, logistique également de la clinique en tant que bâtiment, avec tout le matériel à l’intérieur : les différents analyseurs, les échographes, les appareils de radiologie à entretenir. Pour y remédier, il faut accepter de se faire aider dans ces entreprises par des non-vétérinaires ou des vétérinaires qui vont moins faire de soins, mais qui vont gérer ces tâches de gestionnaire d’entreprises.
Ekico : Y a t-il des bonnes pratiques que les propriétaires pourraient mettre en œuvre pour vous faciliter la vie dans votre quotidien ?
Dr Vincent Outters : La chose la plus agréable que l’on puisse attendre est la confiance que l’on a entre le vétérinaire et le propriétaire. Cette confiance est la clef de voûte. Elle nous permet de travailler sereinement. Il n’y a rien de pire que de travailler face à quelqu’un qui n’a pas confiance en nous, c’est là que l’on fait des erreurs.
Cela veut dire que chacun doit être honnête. Le vétérinaire doit savoir référer lorsque le cas est trop compliqué, sans que le propriétaire le pousse à faire des actes qu’il ne maîtrise plus. Et le vétérinaire doit aussi rester humble et écouter ce que lui dit le propriétaire. Sur le plan pratique, des choses toutes simples nous font plaisir !
Il est fréquent d’avoir besoin d’eau tiède et propre dans un seau propre. Combien de fois sommes-nous amenés à soigner un cheval au pré alors qu’il n’y a pas d’eau propre. Les gens nous attendent, et lorsqu’on arrive, rien n’est prêt ! Il faudrait simplement qu’ils se mettent à notre place et qu’ils se demandent ce qui pourrait nous faciliter le travail.
D’autre part, une grande part de nos visites se font lors des rappels vaccinaux, il serait bon que les propriétaires nous appellent dans le mois qui précèdent l’échéance au lieu de nous appeler à échéance.
Ekico : Le mouvement NOMV (No One More Vet) met en lumière un sujet peu connu par les propriétaires et peut-être aussi par les étudiants vétérinaires eux-mêmes, celui du suicide dans la profession. En tant que vétérinaire expérimenté, quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui se préparent à embrasser votre métier et/ou à vos confrères qui souffrent à ce jour dans leur activité ?
Dr Vincent Outters : J’ai la chance de partager mon métier avec ma femme, et nous travaillons dans la même structure. Cela fait énormément de bien car nous savons ce que l’autre a vécu dans la journée. Alors, nous nous soutenons et nous pouvons débriefer le soir.
Quand l’un de nous deux a un coup de déprime, l’autre le remet sur les bons rails. C’est beaucoup plus dur quand les soucis ne peuvent être partagés. Il faut évidemment partager les échecs avec ses collègues et ses patrons. Les patrons doivent être là pour soutenir les jeunes et les écouter.
Les coups les plus durs arrivent lorsqu’il y a une mortalité non prévue suite à un acte de convenance, par exemple sur une castration. Cet acte courant est potentiellement à risque avec les hernies inguinales, fatales et non prévisibles. Lorsque cela arrive, le coup est très dur à vivre. Pour éviter cela, il faut bien informer les propriétaires que cette tragédie peut arriver et leur faire signer un consentement éclairé à la castration en expliquant les complications possibles. Cela n’empêchera pas la complication d’arriver mais les propriétaires auront été prévenus de l’éventualité.
Interview réalisée avec le Dr Vincent Outters
Espace vétérinaire Germanois (42640)
Tel : 04 77 64 50 00