L’approche éthologique du cheval de compétition

Un cheval réactif est à l’heure actuelle le cheval de sport par excellence. Mais ne confondons pas réactivité et hypersensibilité, nocive pour l’animal ! Faisons le point avec Caroline Godin, responsable formations et écurie de propriétaires au Haras de la Cense (78) : comment peut-on gérer la sensibilité émotionnelle des chevaux de concours ?

Éducation ou rééducation ?

Dès les premières secondes de notre échange, le constat est posé. « Nous encourageons grandement à exposer le cheval au plus grand nombre de situations possibles dès le pré-débourrage/débourrage », débute Caroline Godin. « Il est bien plus aisé de donner au cheval des bases saines dès le début plutôt que de devoir modifier un comportement ! L’éducation du jeune cheval est notre activité dominante au sein de la Cense et nous souhaitons que cela reste ainsi ».

En parallèle, la Cense peut prendre en charge des chevaux présentant des troubles spécifiques (peur des rivières/bidets, hyperémotivité durant un parcours, etc.). « Il est difficile de déconstruire un mauvais comportement car le cheval continuera à y avoir recours tant qu'il pense que c'est la réponse la plus appropriée à la situation dans laquelle il se trouve. En matière de rééducation, chevaux et cavaliers ne sont jamais totalement à l'abri de rencontrer à nouveau les problèmes du passé. »

Le cheval de sport, particulièrement touché ?

« Toutes disciplines confondues, on constate souvent que des étapes ont été passées trop rapidement pour permettre au cheval une complète assimilation de ce qu’on attend de lui. Il en résulte les problèmes classiques d'incompréhension entre cavalier et cheval, d’autant plus accentués lorsque ce dernier a du caractère, de la force, de l’énergie ou une sensibilité. Le cavalier peut très bien monter, être juste techniquement, mais cela n’évitera pas toujours les problèmes liés à la compréhension. »

Les apprentissages liés à la désensibilisation sont donc des étapes clés pour le bon déroulement de la carrière d’un cheval. À l’inverse, un cheval poussé par un cavalier pressé a de grandes chances de présenter de mauvaises réponses par la suite. « Nous avons de temps en temps des jeunes chevaux de quatre/cinq ans qui commencent déjà à devenir compliqués à cet âge. Souvent, ce sont des chevaux qui ont beaucoup de qualité et qui sautent par exemple très bien mais qu’on a trop rapidement amenés sur des gros parcours. Un cheval peut avoir une facilité de saut mais c’est un exercice qui n’en reste pas moins difficile pour lui, émotionnellement et psychologiquement. L’objectif des cavaliers/propriétaires n’est pas toujours le même que celui du cheval ! »

Comme le rappelle Caroline Godin, les chevaux de sport sont sélectionnés pour le haut niveau et doivent être réactifs et plutôt explosifs. Avec de telles qualités, ils sont hypersensibles à tout ! La préparation à l'environnement de compétition, par exemple, devrait être abordée et travaillée en amont.

Améliorer la technique et le mental

La décomposition des exercices est fondamentale pour valider entièrement chaque étape. Si le cheval a des facilités techniques, tant mieux ! L’enjeu est donc de varier les stimuli (la typologie des soubassements, par exemple) avant de passer à l’étape suivante. Le cheval est-il serein avec ou sans soubassement ? A-t-il peur du mur, d’un soubassement d’eau ? Est-il à l’aise avec le bruit ? Avec d’autres chevaux ou d’autres personnes sur la piste ? Etc. Chaque étape maîtrisée par l’animal lui donnera les clés pour mieux comprendre ensuite les situations rencontrées en compétition.

 

« Ces exercices sont également valables pour le cheval qui saute bien ! La désensibilisation des différents terrains, de la tonte, des extérieurs, du camion, etc. sont de vrais exercices à part entière, comme l’est la mécanisation sur les barres, par exemple. La grande erreur commise par les cavaliers est de se concentrer sur le fait d’enchaîner un parcours… Mais, du côté du cheval, de nombreuses étapes sont à assimiler avant cela, notamment savoir comment bien réagir aux différents stress. Un cheval qui appréhende encore un peu les réactions de son cavalier (pesée d’assiette, traction sur les rênes, jambes qui bougent, etc.) risque de paniquer durant une compétition ! »

Quelques points à vérifier avant de partir en compétition

  • Mon cheval monte-t-il bien dans le camion ?
  • Est-ce qu’il voyage bien ?
  • Croise-t-il correctement les autres chevaux à la détente ?
  • Saute-t-il dans le calme ?
  • Accepte-t-il le bruit ? (hauts parleurs, etc.)
  • Est-il soucieux des soubassements ?
  • Est-il entraîné à aller sur d’autres terrains hors situation de concours ?
Cheval camion la cense

L’après la Cense

Après le travail d’éducation ou de rééducation effectué, le retour au quotidien est une étape importante pour éviter les récidives des mauvais comportements. Afin de préparer au mieux le retour aux écuries, la Cense propose deux séances avec la participation du cavalier habituel : une première fois quinze jours après le début de l’éducation/rééducation puis une deuxième séance en fin de parcours. Les cavaliers/propriétaires peuvent bien sûr venir à plus de séances s’ils le souhaitent !


Avant le départ du cheval, un récapitulatif global est alors effectué afin d’informer le cavalier de l’origine des problèmes rencontrés, comment y remédier si le mauvais comportement resurgit à l’avenir, et les étapes à retravailler pour prévenir au maximum les récidives. « Les cavaliers sont invités autant que possible à apprendre à bien réagir aux premiers signes de mauvais comportements. Idéalement, dans les premières années du travail du cheval, mais c’est également valable pour les chevaux d’âge. Nous incitons les cavaliers et propriétaires à se former, que ce soit seuls ou avec leurs chevaux, pour être en mesure de les éduquer et éviter ainsi de laisser de mauvais comportements s’installer. »

Retrouvez l’ensemble des formations, stages et pensions proposés par La Cense directement sur leur site internet.


Cette interview a été réalisée en collaboration avec Caroline Godin (BPJEPS et BFEE 2), responsable des formations et de l’écurie de propriétaires du Haras de la Cense.

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