Le management du pied bot : retour d’expérience de Pierre-Henry Thebault

Pierre-Henry Thebault, maréchal-ferrant exerçant en Savoie (73), a été appelé pour la prise en charge du pied bot sur une jument Pure race espagnole. Comment comprendre et gérer cet aplomb défectueux ?

Un étrange phénomène se répète au sein de l’élevage où Pierre-Henry Thebault intervient : chaque année, un poulain développe un pied bot durant sa croissance. « La vétérinaire de l’élevage a souhaité que je prenne en charge un cas sévère de pied bot de naissance. Il y a-t-il une raison pour que des cas de pieds bots se déclarent régulièrement dans cet élevage ?« , s’interroge Pierre-Henry Thebault, qui poursuit : « Le facteur génétique ne semble pas être mis en cause car les poulains sont d’origines différentes. Dès lors, comment aider cette jeune jument Pure race espagnole de trois ans qui souffre d’un pied bot très accentué ?« 

 

Pied droit vs pied bot, quelle différence ?

Certains cas peuvent être complexes à gérer, l’objectif est de réagir le plus tôt possible pour maximiser les chances de récupérer de bons aplombs pour le cheval. « En tant que maréchal, ma mission est d’augmenter les chances de récupération de l’angle du sabot pour la future carrière du cheval mais également pour son bien-être, tout simplement. »

Le pied droit fait référence à une typologie d’aplomb. Par exemple, pour un cheval aux aplombs classiques, l’angle palmaire se trouve généralement entre 48 et 50°, et les phalanges sont alignées.

source : http://s403403540.onlinehome.fr/

Dans le cas du pied bot, la conformation du pied est pathologique. L’angle de la paroi dorsale est beaucoup trop élevé (82° pour le cas présenté dans cet article, soit un stade 4), le tendon est trop court, les muscles attachés en partie supérieure du tendon sont contractés et, de ce fait,  l’alignement des phalanges n’est plus respecté.

Dans un cas sévère comme la jument présentée ici, le haut de la troisième phalange est manquante.

L'alimentation en question ?

Après de nombreuses recherches pour déterminer l’origine de ce problème de pied bot au sein de cet élevage, il a été découvert un facteur aggravant lié à l’alimentation : la luzerne.

La luzerne, riche en protéines, participe à des poussées rapides de croissance chez les jeunes chevaux.

 

source : agrihebdo.ch

Dans certains cas, le poulain grandit vite, trop vite pour permettre aux tendons de s’adapter à ces poussées de croissance. Lors d’un pied bot, le tendon fléchisseur profond du doigt est comme “trop court”, provoquant un défaut dans le développement du pied. La boîte cornée se verticalise à son extrême, les structures tendineuses sont mises à rude épreuve et toute intervention trop brutale dans le parage peut provoquer une tendinite !

La gestion du pied bot en maréchalerie

« Face à ce type de cas, mon principal objectif est d’accompagner les muscles qui soutiennent le tendon. Il faut qu’ils se décontractent pour diminuer le stress de ceux-ci. Il me faut les « convaincre » de reprendre une bonne fonctionnalité.
Pour cela, il est usuel d’appliquer un fer à florentine. Ce type de fer dépasse fortement en pince, afin de simuler un angle palmaire et un angle dorsal moins verticalisé. »

« J’ai ajouté du silicone sur la partie arrière du pied. Dans le cas de cette jument, j’ai appliqué 1cm de silicone car les talons étaient trop courts de 7mm pour atteindre le sol. Le silicone permet de combler ce vide et d’apporter une diminution du stress sur les muscles qui s’attachent au tendon, tout en apportant un maintien quand le cheval est au repos. En revanche, l’élasticité du silicone permet un léger écrasement quand la jument est en mouvement. Ce procédé permet de faire doucement fonctionner le tendon profond, en minimisant les tensions musculaires pour permettre de gagner en élasticité et décontraction, sans créer de lésion ».

Dans ces situations, c’est l’une des principales difficultés pour le maréchal : rééduquer les muscles qui soutiennent le tendon pour qu’ils retrouvent leurs fonctionnalités, sans le mettre en souffrance et risquer une tendinite… car un tendon reste comme un “câble”, qui ne peut s’étirer.

« Pour ma part,  je me forme régulièrement pour améliorer ma prise en charge de ce type de pathologies, notamment via les formations proposées par Stefan Wherli et Julien Houser, dont certains modules sont spécifiquement dédiés au management du pied bot.« 

Une erreur fréquente est d’abaisser les talons trop brusquement lors du parage. « Dans ce cas, le tendon est trop en contrainte. Trop de tension peut amener à la rupture des fibres tendineuses. Au contraire, face à ce type de pathologies, mon obsession est de diminuer le stress sur le tendon et de l’accompagner pour gagner en élasticité. »

« Sur un cas comme celui présenté en photo, j’estime qu’un suivi spécifique sur plusieurs mois est nécessaire pour rééduquer le tendon à revenir à une fonctionnalité normale. Cela est bien sûr à coupler avec une étroite collaboration du vétérinaire qui assure un suivi également très régulier. »

Suivi et analyse des pieds

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One Comment

  1. La visite d'achat, le regard du maréchal-ferrant • Ekico

    […] Découvrez notre article sur le management du pied bot par Pierre-Henry Thebault, avec notamment l'usage du fer à Florentine Cliquez ici […]

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