Cette année, les Championnats du Monde de mushing toutes catégories se déroulent en Norvège sur la Femundløpet. Cette célèbre course de chiens de traîneau est l’une des compétitions les plus importantes et exigeantes dans le domaine du mushing en Europe. Nous nous intéressons ici à la catégorie longue distance.
Nous avons suivi l'ostéopathe animalier Elsa Bouhours, qui a rejoint l'équipe vétérinaire de la Femundløpet pour cette édition 2025, apportant son expertise en matière de préparation et de suivi des chiens sportifs.
Les caractéristiques des courses de longue distance
La Femundløpet traverse les régions montagneuses et les forêts du sud-est de la Norvège. Plusieurs distances sont proposées aux compétiteurs :
• F600 : Une course d’environ 600km, qui est l’épreuve la plus prestigieuse.
• F450 : Plus courte, les chiens parcourent environ 450 km.
• F200 : Cette course, plus accessible, est à destination des mushers débutants ou amateurs.
Sur ces compétitions, les chiens sont en équipe de 6 à 12 selon les catégories.
Les conditions extrêmes de cette compétition demandent une préparation très exigeante pour les animaux et leurs conducteurs.
Les températures sont très basses, variant de -10°C à -30°C. Les minima extrêmes peuvent atteindre -40°C certaines années.
Ces facteurs forcent les mushers et les chiens à faire preuve d’une endurance et d’une résilience très élevées.
La préparation, la clé du succès
Les courses de longue distance telles que la Femundløpet et la Finnmarksløpet qui se déroulent toutes deux en Norvège ou encore l’Iditarod par exemple qui se déroule en Alaska, attirent des participants du monde entier. Professionnels comme amateurs.
Cependant, pour se frotter à ce type de défi sportif ultra intense, une préparation exigeante est obligatoire pour garantir la sécurité des équipes animales et humaines.
Préparation en matériel :
Côté canins, les chiens de traîneau (généralement des huskies d’Alaska et des huskies de Sibérie) sont bien adaptés à ces conditions grâce à leur pelage épais. Une surveillance est de mise pour prévenir l’épuisement dû au froid et les blessures aux pattes.
Afin de supporter des températures aussi froides, les mushers doivent s’équiper de vêtements ultra-isolants, de gants, de bottes et de protections faciales pour éviter les engelures.
Les traîneaux sont équipés pour transporter des manteaux pour les chiens et des sacs de couchage pour les mushers en cas de besoin.

Préparation physique des chiens :
Pour ce type de compétition, l’endurance des chiens est l'une des principales qualités nécessaires, comme nous le partage Elsa Bouhours, ostéopathe animalière spécialisée dans le chien de sport et musheuse :

« Lors des entraînements, l’objectif est d’augmenter la résistance des chiens à l’effort.
Nous les entraînons alors au trot à faible vitesse (13-14 km/h) sur terre.
Cette vitesse doit être maintenue même en montée, pour travailler la résistance musculaire.
Progressivement, les distances sont augmentées afin de travailler au mieux l’endurance.
Pour la préparation, nous cherchons des pistes roulantes. Nous évitons la boue et les cailloux, et essayons d’avoir des sols de terre battue ou en herbe pour préserver les articulations des chiens au maximum.
Nous entraînons uniquement lorsque la température est inférieure à 14 degrés, idéalement en dessous de 10 degrés, afin que les capacités cardiovasculaires des chiens soient optimales.
Lors de la préparation, il est également pratique de pouvoir se retrouver entre mushers. Cela permet aux chiens de s’exercer avec plusieurs teams sur de nouvelles pistes, de se doubler, de se croiser, etc. »
Exemple de calendrier de préparation des chiens pour des courses de mid-distance
Les préparations sont très spécifiques selon les courses visées. En mushing, les principales catégories sont :
• Sprint : distances de ~4 à 30 km.
• Mid-distance : de ~50 à 200 km par étapes (ex : La Grande Odyssée).
• Longue distance : plus de 200 km, jusqu’à 1600 km avec checkpoints.
Voici un exemple détaillé d’un calendrier de préparation pour une course de mid-distance de 200 km, ayant lieu en janvier ou février.

Août/Septembre : Le développement de la masse musculaire
Pour une course de mid-distance ayant lieu en janvier ou février, par exemple, les chiens commencent leur préparation progressivement à partir d’août/septembre.
Ils sont rapidement soumis à un entraînement de force et de puissance afin de stimuler la production d’actine et de myosine, deux protéines essentielles des muscles.
Ces protéines jouent un rôle crucial dans la capacité de contraction. Plus les chiens développent une masse musculaire importante, mieux leurs articulations sont protégées lors des efforts soutenus.
Cette phase est réalisée sur de très courtes distances.
"Durant l’entraînement, il est absolument indispensable de conserver la joie et le plaisir pour les chiens. Ils doivent garder un très bon moral et aimer ce qu’ils font, même lorsqu’un entraînement exigeant est mis en place", rappelle Elsa.

Septembre/Octobre : Le développement de l’endurance
Dans cette étape, les chiens auront de moins en moins de poids à tracter, et les dénivelés seront également évités. En revanche, les distances seront progressivement augmentées par paliers.
Pour une course de mid-distance ayant lieu en janvier ou février, comme dans cet exemple, à partir du mois de septembre, les blocs d’entraînement de force se font sur des distances allant jusqu’à 10 km.
En octobre, les distances sont allongées à 15 km, puis à 20 km, en limitant le poids tracté.
Tout au long de la préparation, Elsa veille à ce que les chiens soient en bonne forme physique et mentale, l’objectif étant d’éviter toute blessure ou perte de moral de l’équipe.
Novembre : Objectif des 25 km sur terre
Les entraînements sont progressivement augmentés jusqu’à 25 km sur terre.
Elsa Bouhours déconseille fortement de dépasser les 35 km sur ce type de terrain. Le risque de blessures graves aux articulations est trop important, particulièrement pour les chiens lourds ou lorsque le terrain comporte des fortes descentes.
L’entraînement sur des distances inférieures à 30 km peut donc être effectué sur terre, mais pour allonger les distances, il est conseillé de le réaliser sur la neige afin de limiter les traumatismes ostéo-articulaires chez les chiens.
“Une blessure à l’entraînement est vite arrivée, un chien au repos pendant 3 semaines en novembre ou décembre aura une grande difficulté à rattraper le retard d’entraînement, et donc à prendre le départ sur une course.“ Elsa Bouhours

À ce stade du calendrier, en plus de l’allongement des distances sur la neige, des blocs de force seront réintégrés aux entraînements. Petit à petit, des blocs de vitesse seront également ajoutés à la préparation des athlètes canins.
À partir de novembre, les chiens sont normalement très à l’aise sur des distances de 25 km. Des blocs de force de type 3 x 15 km avec poids tractés seront réintégrés à l’entraînement.
Une variante peut consister à jouer sur le nombre de chiens attelés pour ajuster le niveau de difficulté.
Des blocs de vitesse seront également travaillés, par exemple, des blocs de 2 x 10 km à une vitesse de course plus élevée.
Décembre : Force, vitesse et endurance
Les chiens sont entraînés en conditions réelles. Dans notre exemple (préparation pour la Femundløpet), l'équipe est déplacée en Norvège pour poursuivre sa préparation jusqu’au moment de la course.

« Là, on constate que les chiens qui étaient à l’aise sur la terre, à 13-14 km/heure sur des distances de 25 km, sont extrêmement à l’aise sur la neige, à 16-17 km/heure de moyenne sur 50 km !
Au passage, il est important d’acclimater les tissus à ces nouvelles températures et terrain. Les efforts doivent être progressifs. Sur ce type de terrain, les distances peuvent être très rapidement allongées, contrairement à ce qui est possible sur la terre », témoigne Elsa.
Cet exemple de calendrier d’entraînement varie en fonction des contextes d'entraînement des équipes.
Dans le cas présenté dans cet article, les chiens sont entraînés en France, sur des terrains parfois dénivelés. Les équipes ne montent que quelques semaines avant la course en Norvège.
Le calendrier est différent si les chiens vivent en permanence en Suède ou en Norvège, par exemple, et qu’ils disposent d’excellentes conditions de travail (températures, surfaces) tout au long de l’année.
L'entraînement doit donc s’adapter à l’environnement et aux objectifs visés.
Le but final pour Elsa est d’obtenir des chiens confiants dans leur course, dans leurs capacités physiques et physiologiques et dans leur musher, prêts à se donner entièrement sans aucun doute.

L’alimentation du chien de longue distance
Sur les courses de longues distances, l’apport en graisses est très important. Ces dernières sont apportées par l’alimentation et permettent aux chiens de disposer de l’énergie nécessaire pour parcourir les distances exigées par la course.
L’apport en protéines, quant à lui, favorise les chiens dans leurs efforts anaérobies tout au long de la compétition.
Des exemples de croquettes utilisées pour les chiens de traîneaux sont les Sporting Life Energy 4800 ou 5000 de la marque Royal Canin, ou encore les gammes sportives des marques ProTeam ou Greenheart.
Ces gammes correspondent bien aux besoins nutritionnels des chiens ayant de très longues périodes d’activité soutenue, comme nous partage Elsa Bouhours.
L’apport énergétique de ces croquettes est important, avec un taux de 30 % d’acides gras, une condition essentielle pour les chiens qui doivent faire preuve d’une endurance extrême dans un froid polaire.
Le taux de protéines, quant à lui, est de 32 %, offrant un soutien optimal des capacités musculaires.


L’hydratation du chien de longue distance
Les électrolytes sont utilisés lorsqu’une déshydratation sévère est constatée. Cependant, une grande vigilance est de mise lors du recours à ces compléments alimentaires, qui peuvent représenter un risque pour la santé des chiens s’ils ne sont pas utilisés correctement.
Plusieurs études mettent en évidence la potentielle dangerosité pour le chien, qui fait partie des animaux anhidrosiques (animaux qui ne transpirent pas).
Les chutes électrolytiques chez le chien surviennent lorsque ce dernier est en état de déshydratation très avancée.
Les électrolytes ont tendance à inciter les animaux à boire. Une conséquence qui n’est pas toujours compatible avec les chiens de sport, lesquels peuvent parfois rencontrer des difficultés à s’hydrater suffisamment.
“Un risque qui ne doit absolument pas être négligé est celui d’abîmer sérieusement le fonctionnement des reins des chiens si, par apport d’électrolytes, les individus ne s’hydratent pas suffisamment en parallèle”, nous confirme Elsa.
“J’avoue être assez défavorable à l’utilisation des électrolytes dans le monde du sport canin, à moins que ces compléments ne soient administrés par un vétérinaire, souvent par perfusion. L’hydratation est un facteur particulièrement déterminant pour les chiens de traîneau. Le froid et l’effort rendent souvent leur hydratation difficile. C’est le principal enjeu pour tout musher : éviter la déshydratation.”
Les électrolytes ne sont donc que très peu utilisés lors des courses de longues distances, où les risques de déshydratation sont trop importants. Sur les distances plus courtes (mi-distance et surtout sprint), le recours aux électrolytes peut être un peu plus fréquent.
Les missions de l'ostéopathie animale dans l’entraînement du chien de longue distance
D’après Elsa Bouhours, en charge de teams de chiens de traîneaux, quatre missions relèvent de son champ de compétence :
1) Détecter les gênes et déséquilibres : Afin de prévenir les contre-performances, voire les blessures.
2) Veiller au rééquilibrage longitudinal et latéral des chiens : « Mon objectif est qu’ils puissent être au mieux dans leur corps, au repos comme à l’effort », confie Elsa.
3) Gérer les chiens blessés : Dans ce cas, des soins ostéopathiques spécifiques sont prodigués aux animaux blessés. Les troubles les plus courants sont les inflammations du carpe, les tendinopathies, les lésions musculaires et les blessures aux épaules et au garrot, d’après l’expérience d’Elsa, spécifiquement appliquée aux chiens de sport. L’objectif de l’ostéopathie est d’accompagner la guérison des patients canins, après bien sûr, avoir consulté un vétérinaire.
4) Éducation auprès des mushers : Une mission toute particulière que se donne Elsa dans sa pratique : "J’ai vraiment à cœur d’améliorer l’observation et les premiers gestes que peuvent appliquer les mushers dans la gestion de leurs chiens. C’est à mon sens une responsabilité professionnelle qui leur incombe et un respect du bien-être animal. Je leur partage des manipulations très simples pour évaluer l’état de douleur d’une articulation ou comment débloquer une articulation. Le carpe et le pisiforme sont souvent à l’origine de tendinopathies en cas de blocage en course de longue distance. Ces gestes faciles sont à la portée des mushers et peuvent aider les animaux à surmonter certains troubles."
L’utilité de Tendiboots™ Canine pour la préparation du chien de sport

« L’utilisation des Tendiboots™ Canine est très intéressante, d’après mon expérience, pour les professionnels de la santé animale. L’outil permet de détecter des informations subtiles, comme une boiterie difficilement perceptible à l’œil nu ou des difficultés de flexion peu visibles.
Cette technologie est particulièrement précieuse pour réaliser des comparatifs avant/après des séances d’ostéopathie ou après des entraînements intensifs. Grâce à Tendiboots™, nous pouvons suivre de manière objective l’évolution de la locomotion des chiens en fonction des soins reçus ou de l’intensité des efforts fournis.
Ce qui m’intéresse beaucoup, c’est la possibilité de suivre l’évolution des données au fur et à mesure de la phase d’entraînement. Pour moi, ces informations sont d’une grande utilité et doivent être communiquées au musher tout au long de l’entraînement, afin que nous puissions ajuster ensemble nos stratégies en fonction des données recueillies.
Cependant, juste avant la course, je préfère ne pas transmettre ces données au musher. À ce stade, il est inutile de lui faire part de légères asymétries qui ne peuvent être corrigées à la dernière minute. Cela pourrait lui induire des doutes ou du stress juste avant le départ. Les données sont utiles en amont pour maintenir la confiance du musher dans le plan d’entraînement qui a été suivi.”
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Elsa Bouhours - Ostéopathie animale
